jeudi 4 janvier 2007

Schirmeck - Vorbrüch


A partir du moment où la guerre fut déclaré à Allemagne en 1939, les grands frères de Pierre Seel furent mobilisés les uns après les autres. La "drôle de guerre" commença alors... Tous étaient persuadés qu'un affrontement ne pourrait avoir lieu. Fort de leur récente victoire. L'alsace ne se rendait pas compte du danger qu'elle encourée, tant par la gourmandise et le désir de vengence du Reich. Cependant les juifs s'inquiètèrent d'avantage et commencèrent à quitter cette zone trop dangereuse par familles entières. Dans la vie sentimentale, beaucoup de choses avaient alors évolué. Il a alors rencontré un jeune homme, Jo, avec qui il a une relation très sensuelle, pleine de complicité et d'amour, soudée par une puissante confiance mutuelle... Mais c'est alors que la "drôle de guerre" cessa d'être drôle, car les Allemands, qui ont contournés la ligne Maginot par la Belgique, s'approprient victorieusement la ville de Mulhouse, avec leur harnachement impeccable et leur matériel flambant neuf. Peu après ce défilé triomphal, de longue files de prisonniers dut rejoindre le Rhin à pied, ils marchaient vers leur camp de prisonniers en territoire allemand. La défaite accomplie et le traité de Versailles déchiré, une partie de la France se retrouva sous la botte allemande. Les expulsions d'environ cent mille Alsaciens indésirables commencèrent. Le Français et les dialectes régionaux furent interdits, la cathédrale ferma, , l'évêque de Metz fut expulsé, les trois départements du Haut Rhin, du Bas Rhin, et de la Moselle furent brutalement annexés en violation de la convention d'armistice. L'Alsace était destinée a être "fondue" à la grande Allemagne. L'administration passe aux mains de deux compagnons de lutte du Führer. Himmler et Hitler souhaitait au plus haut niveau un traitement rapide de cette région. Ce jeune homme a donc dût interrompre ses études, malgré une passion pour le textile. Les rafles avaient commencé. Un jour, les SS
prirent toutes les personnes suspectées d'être juives, y compris l'un des apprentis qui travaillaient à la pâtisserie. Toutes les personnes arrêtées ce jour là étaient retenues dans la cours d'honneur de la sous préfecture. A travers les grilles, un spectacle d'horreur attendait les curieux. Les prisonniers étaient frappés avec violence par des coups de pieds et de cravaches des SS. L'occupant souhaitait par cela montrer qu'il avait tous les droits et qu'il ne comptait pas se déranger pour en profiter. Bientôt, de nouvelles infrastructures apparurent. Les jeunes sont tournés vers les Jeunesse Hitlériennes et portent la croix gammée. Les allemands s'emparèrent des fichiers de police.
" En s'emparant administrativement des zones occupées, les Allemands prirent connaissance du contenu des fichiers de police. Toute défaite territoriale oblige les autorités à préparer et a mettre à disposition du vainqueurs leurs documents au moment de la passation des pouvoirs. Mais la question se pose sur l'existence parfaitement illégale d'un fichier homosexuel. Depuis 1782, le code Napoléon ne sanctionnait plus l'homosexualité et les bûchers étaient éteints depuis plus longtemps encore. Vichy ne promulgua sa loi anti-homosexuelle qu'un 1942. Je n'avais pas encore connaissance du sort terrible infligé par les nazis aux homosexuels allemands depuis 1933. En Alsace, les rumeurs faisaient simplement état de conduite d'homosexuels à la frontière, vers la zone libre, vers Lyon ou Bourg-en-Bresse. [...] J'ignore si c'est par excès de zèle ou malveillance patente que les autorités françaises remirent ce ficher avec d'autres. La surveillance des homosexuels est une si vieille habitude policière que, vraisemblablement, personne ne songea à le faire disparaître. De plus, la soudaineté de l'invasion fut telle que, dans le désordre qui s'ensuivit, il ne fut sans doute pas très difficile de faire main basse sur un document comme celui-là, qui, comme en Allemagne, avait permis depuis déjà des années d'exercer de faciles chantages, d'opérer des arrestations, d'organiser des rafles, et d'obtenir des compléments d'information par la torture et l'internement arbitraire. J'étais bien loin d'imaginer ce qui se tramait dans les bureaux e la Gestapo. Je continuais d'aller à mes cours du soir, je fréquentais mon ami Jo et je retrouvais épisodiquement le même petit groupe dans le square Steinbach...."
Le sujet de notre étude, patriote, arrachaient avec d'autres les affiches allemandes pour les remplacer par des appels patriotiques à la résistance. Il rendait des services aux bourgeois homosexuels en postant des lettres, inconscient de la gravité de ses gestes. C'est dans des circonstances similaires que d'autres ont été arrêtés et déportés. Les réseaux de résistances se mettent alors peu à peu en place.
A ces dix-huit ans, sa mère lui annonça que la Gestapo était passé et qu'il était convoqué pour le lendemain. Ce n'était pas bon signe. Il s'y rendit tôt le matin, pour subir un interrogatoire très violent et humiliant... On lui demanda de dénoncer d'autres homosexuels. Ils avaient eu conscience de son homosexualité par la déposition du vol de sa montre, dans un endroit douteux. Une violence interminable commença. Pour refuser de signer un document, ils eurent leurs ongles arrachés, ils furent violer par des règles en bois brisés qui leur perforèrent les intestins. Cette violence a eu raison des dernières force des victimes, qui signèrent un document illisible, maculé de sang. Ils furent expédiés à la prison de Mulhouse, où les conditions "d'hébergement" étaient pire que tout. Un des frères de Pierre Seel, inquiet de sa disparition, appris à la Gestapo son homosexualité. C'est de cette façon que sa famille le découvrit. En mai 1941, il fut jeté dans un véhicule en direction du camp de Schirmeck, dans la vallée de la Bruche. A proportion de sa population, l'Alsace fut victime de sept fois plus d'arrestations et d'arrestations que le reste de la France. C'est ainsi que quelques semaines seulement après l'occupation, une douzaine de camps de transit, de rééducation, d'internement et de concentration apparurent en Alsace. Ces bâtiments étaient extrêmement bien gardés et surveillés, à tel point qu'il n'y eu qu'une seule évasion réussite, les autres étant ratées ou les fuyards rattrapés souvent au prix de leur vie. Pierre Seel fut rasé de telle sorte qu'on lui dessina une croix gammée sur le crane, et battu dans le but de vivre dans la terreur. Il eut droit ensuite à l'uniforme avec une barrette de couleur bleue sur sa vareuse et son calot. C'était le signalement des détenus, une codification assez difficile à décrypter. Bleu signifiait qu'il était catholique ou asocial. En Allemagne, les homosexuels étaient déjà marqué du triangle rose. Les triangles rouges signifiaient les opposants politiques, souvent des communistes. Les juifs avaient droit à l'étoile jaune, et les étoiles marrons correspondaient aux Tziganes. Ils étaient destinés à l'extermination. Il y eu également à ce camp des prêtres, des prostituées, des républicains espagnols, des déserteurs de l'armée allemande et des anciens déserteurs de la guerre e 14-18 immigrés sur le sol français, des trafiquants de marché noir insuffisamment collaborateurs, ou des aviateurs britaniques capturés sur le sol français. Ce n'est qu'au bout de deux ans que les journaux firent allusions à l'existence de ce camp, alors que quinze mille Alsaciens y passèrent en quatre ans. Dans cet endroit infâme, Pierre Seel ne fut pas épargné par les horreurs nazis, et dut exécuter toutes sortes d'ordres et tâches épuisantes, dangereuses ou ineptes. Les détenus sont nourris un minimum, juste assez pour ne pas mourir et travailler. La plupart devaient toutes la journée durant casser des rocs dans les carrières alentour et en remplir des wagonnets. Les berges allemands servaient de dissuasion très efficaces pour les empêcher de tenter une évasion. D'autres allaient travailler onze heure d'affilée à l'usine Marchal de Wacenbah. Tenter de communiquer étant très dangereux, c'est pourquoi chacun reste enfermé dans sa douleur et se tait... Les prisonniers ne devaient jamais marcher, toujours courir et se précipiter à la moindre vue d'un papier. Certains SS s'amusaient à en jeter près de la bande interdite. Ceux qui y allaient étaient abattus pour tentative d'évasion. Mais ceux qui refusaient d'obtempérer connaissaient le même sort pour refus d'obéissance. Il y avait des discours du chef de camp sur la puissance allemande et sur les idéaux qu'ils fallaient à tout prix respecter. Les hauts parleurs servaient de fond musical entrecoupé de messages demandant à certains détenus de se rendre à tel endroit. Ils demandaient alors si ce prisonnier n'avait rien a rajouter à sa déposition, et s'il n'avait pas d'information a fournir. Le délit sexuel considéré comme une horreur, Pierre Seel fut totalement mis a l'écart des petits réseaux de solidarité qui se formaient. Il était un des plus jeunes du camp et craignait de devenir le "souffre-douleur". Il s'efforçait donc de se faire oublier à tout prix. L'hygiène dans le camp se résumait à un mince filet d'eau glacé, et la vermine avait attaqué la literie Beaucoup moururent d'infections de plaies. Le sujet de notre étude souffris rapidement de dysenterie et de rhumatisme aigus aux mains, ainsi qu'aux jambes et au ventre. Il était également sujet à des monstruosités expérimentales. Elles constituaient généralement des piqûres très douloureuses aux tétons. Les infirmiers s'amusaient à faire les injections en lançant les seringues comme des fléchettes à la foire. La faim était atroce, soigneusement entretenu par les geôliers, et fut la source de nombreuses querelles. Le chantage pouvait se faire par des mets délicieux qu'il pourrait avoir à condition de donner des renseignements. La faim rendait fou certains d'entre eux. " Le dimanche était le jour d'un autre supplice. Pendant que nous nous activions, les SS dressaient devant leur chalet des tables qu'ils couvraient de victuailles. Les odeurs du festin parvenaient jusqu'à nous et nous donnait le vertige." Les camps de concentrations étant tous pleins, Himmler eu l'idée de construire un camp de concentration dans la montagne. Les détenus furent contraints de construire un four crématoire. Après des mois, tous les détenus furent convoqués pour une mise à mort. " Au centre du carré que nous formions, on amena, encadré par deux SS, un jeune homme. Horrifié, je reconnus Jo, mon tendre ami de dix-huit ans. Je ne l'avais pas aperçu auparavant dans le camp. Etait-il arrivé avant ou après moi ? Nous ne nous étions pas vus dans les quelques jours qui avaient précédé ma convocation à la Gestapo. J'avais prié pour qu'il ait échappé à leur rafles, à leurs listes, à leurs humiliations. Et il était là, sous mes yeux impuissants qui s'embuèrent de larmes. Il n'avait pas, comme moi, porté des plis dangereux, arraché des affiches ou signé des procès verbaux. Et pourtant il avait été pris, et il allait mourir. Ainsi donc les listes étaient bien complètes [...] Puis les hauts parleurs diffusèrent une brillante musique classique tandis que les SS le mettait nu. Puis ils lui enfoncèrent violemment sur la tête un seau en fer blanc. Ils lâchèrent sur lui les féroces chiens de garde du camp, des bergers allemands qui le mordirent d'abord au bas du ventre et aux cuisses avant de le dévorer sous mes yeux. Ses hurlements de douleurs étaient amplifiés et distordus par le seau sous lequel sa tête demeurait prise. Raide et chancelant, les yeux écarquillés par tant d'horreur, des larmes coulant sur mes joues, je priai ardemment pour qu'il perde très vite connaissance."
Ce douloureux moment a été un des plus fort de Pierre Seel. Toute sa vie ce souvenir l'a suivit. Cela a été un véritable choc pour lui. De plus, il fut vraiment choqué que sur les centaines de personnes présentes, ils se taisent encore aujourd'hui et cachent se qu'il s'est vraiment passé dans les camps de concentration. La mort de son amour a été un traumatisme dont il parlait encore dans une interview qu'il a réalisé une année avant sa mort.

Aucun commentaire: