mardi 2 janvier 2007

Un témoignage douloureux


De retour dans sa famille, Pierre Seel est accueilli avec beaucoup d’amour, tous les frères sont miraculeusement réunis, mais son homosexualité n’est plus abordée, sur ordre du père .Pierre Seel reste enfermé avec son secret. Sa mère tombe malade, et une nouvelle complicité s’établie entre eux. Elle est sur son lit de mort, et Pierre Seel lui parle pour la 1ère fois de son histoire et raconte tout. Le décès de celle-ci enferme son secret dans la tombe. Il se marie, tente d’avoir une vie « normale, mais son couple et sa vie de famille sont un échec. Après la rupture avec sa femme, il est pris d’un désespoir suicidaire incontrôlable et se met à boire. Son malaise psychologique disparaîtra lors de son témoignage lorsqu’il se délivrera de son secret.
le 27 mai 1981, un débat est organisé a Toulouse concernant la déportation des homosexuels par les nazis. Pierre Seel a 58 ans, a un travail depuis 12 ans et tente de se réconcilier une nouvelle fois avec sa femme, il ne souhaite donc pas se faire remarquer. Deux journalistes sont présents, M. Joecker et Combettes, et présentent le dernier livre de leur maison d’édition, « Les hommes au triangle rose », journal d’un déporté homosexuel autrichien. Pendant la lecture d’un extrait, Pierre Seel voit ses souvenirs remonter, à l’évocation des mêmes souffrances subies par l’autrichien. Il a besoin de dire qu’il a vécu des choses semblables en France, mais tient à son anonymat. A la fin du débat, il va voir Joecker et lui raconte ce qu’il a vécu. Ce dernier l’encourage à témoigner et ils conviennent d’un rendez-vous le lendemain. Pierre Seel raconte tout, pour la première fois depuis la mort de sa mère. Son interview sera publiée dans un numéro spécial d’un magazine sur la pièce de théâtre « Bent », inspirée du livre du déporté australien, Heger.
Cette interview est le point de départ pour la suite. Il veut encore témoigner, pour briser le silence. Un tissu associatif s’est crée autour des homosexuels, les nouvelles générations sont plus libres, mais il ne peut plus rencontrer personne, son physique jouant contre lui. Il fréquente un an a Toulon l’association David et Jonathan et leur raconte la déportation et les nazis. Enfin, un soir, tout change. Lorsqu’il entend l’évêque de Strasbourg dire qu’il considère les homosexuels comme des infirmes, et respecte cette infirmité mais n’accepte pas qu’il veuillent considérer leur infirmité en santé.
Pierre Seel est indigné et décide d’écrire une lettre pour protester contre cette déclaration infamante. Après maints brouillons, il finit par envoyer sa missive le 18 novembre 1982, en même temps à sa famille, aux médias, à la presse homosexuelle et bien sur à l’évêque. Sa lettre fut lu lors du procès de l’évêque, qui n’aboutit à aucune réparation car à l’époque, la loi ne retenait pas l’homophobie.
Cela permit cependant à Pierre Seel de se délivrer de son secret, et il décide alors de mener des démarches, pour faire reconnaître sa déportation pour cause d’homosexualité. Elles se révèlent infructueuses, car le terme d’« homosexualité » annulait celui de « déportation ». 10 ans après, il n’obtient toujours pas réparation, mais il multiplie les apparitions médiatiques, sans grand succès.
Il s’inscrit à SOS racisme, et raconte un jour son histoire, Un voyage en Alsace est décidé le 9 avril 1989. Or en arrivant sur place il découvre que le camp de Schirmeck a été détruit et qu’à sa place se trouvent des lotissements fraîchement construits. Seul subsiste le portail de l’entrée du camp qui « orne » celle de la mairie, et à côté une plaque rappelant le carnage nazi. On apprend que Karl Buck, responsable du camp, ne fut jamais arrêté, et mourut paisiblement après 22 ans de retraite. Cependant, à Struthof, le responsable fut jugé eu procès de Nuremberg, et il reste plusieurs endroits permettant le recueillement. Quelques baraquements, une exposition et enfin le four crématoire et sa cheminée. Pierre Seel est fortement ému et marqué par cette visite. Pendant les cérémonies officielles de reconnaissance, les associations homosexuelles doivent attendre la fin de la cérémonie pour pouvoir honorer leurs morts, et de nombreux incidents éclatent dans plusieurs villes, comme lors du piétinement de la gerbe des déportés homosexuels, et les propos homophobes criés à travers la foule.
En juillet 1990, un décret sort déclarant que les déportés homosexuels peuvent avoir droit de réparation. Pierre Seel commence donc des démarches administratives mais celles-ci demandent le témoignage de 2 témoins oculaires. Il devient de plus en plus désespéré, de par la folie bureaucratique des administration, car l’incohérence de cette demande impossible à réaliser est flagrante.

Pierre Seel aura consacré les dernières années de sa vie à se battre pour faire savoir la déportation homosexuelle, en quête d’une simple reconnaissance du grand public, pour que l’on cesse de considérer les homosexuels comme des malades ou des dégénérés, pouvoir enfin finir son existence sans être poursuivi par ses cauchemars, et terminer sa vie en paix, seul avec le souvenir de son amour. "Quand la rage me visite, je prends mon chapeau et mon manteau, et je m'en vais, de dépit, marcher dans les rues. Je m'imagine me promenant dans des cimetières qui n'existent pas, les cimetières de tous ces disparus qui dérangent si peu la conscience des gens. Et j'ai envie de hurler. Quand pourrai-je faire reconnaître ma déportation ? Quand pourrai-je faire reconnaître la déportation des homosexuels par les nazis ? Dans mon HLM comme dans mon quartier, nombreux sont ceux qui me saluent, qui prennent gentiment de mes nouvelles et s'informent de l'avancement de mes démarches. Je leur en sais gré, et j'aime cette fraternité. Mais que puis-je leur répondre ?
Quand j'ai fini d'errer, je m'en retourne dans ma cuisine quand je suis seul. Cette flamme fragile est le souvenir de Jo..."

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